Penser et ses gradations
Croyances et mirage de la conviction acquise
Une croyance est une allégation non vérifiée : elle peut être vraie ou fausse, nous n’avons pas les moyens de tout vérifier ni de tout savoir. ... Nous découvrons parfois que les savants ne savent pas, cherchent ou ignorent encore : ce sont les véritables chercheurs. ... Donc à qui se fier ?
En ce début de 21ème siècle, la confusion intellectuelle grandit, car tout est remis en question, il y a toujours quelqu’un pour dire que les produits sont toxiques, que certains intérêts sont cachés, ... La tentation est grande alors de ne retenir que les faits ou arguments qui vont dans le sens déjà acquis. Je n’ai plus d’effort à penser. C’est donc pour une question d’économie et de confort émotionnel qu’il est facile de s’en tenir au pli des choix déjà effectués. Une remise en cause est pénible et coûteuse. Faut-il réinventer le monde chaque matin ? Faut-il repenser ? C’est vivre, mais s’en tenir à ce que je sais est tellement reposant.
Par paresse mentale, par confort émotionnel, une tendance est donc de s’en tenir au cocon des arguments bien connus. Ce confort soutient un mécanisme affectif qui déforme la réalité et empêche de voir les faits gênants : c’est un mirage, on peut le nommer mirage de la conviction acquise. Un mirage est connu parce qu’il déforme la vision, mais fait voir des choses qui n’existent pas ; il entretient le confort de l’égo : un mirage a toujours un bénéfice affectif.
Il est donc utile et important d’étudier la pensée et le mental. La pensée, telle que nous l’entendons ici, est générale et impersonnelle, elle exprime une loi (généralité) qui vient avec l’âge de raison. ... Le mental est la faculté de compréhension, de trouver le sens de ce qui se passe, donc d’expliquer le phénomène (ce qui apparaît) et non seulement de le reproduire ou le simuler. Comprendre prendre avec soi, lire en lui ou intelligere : lire dans ce mouvement.
Le mental concret désigne le mental avec ses contenus, donc les pensées en tant que formes et leur auteur : celui qui façonne ces pensées. ... Une étoile à 6 branches est composée de 2 triangles entrelacés, l’un pointe en haut, l’autre pointe en bas. Le triangle pointe en bas aboutit à un résultat concret qui exprime la dualité au-dessus ; ce point inférieur ancre, concrétise et dirige l’action en résultat de la réflexion. Le triangle pointe en haut indique l’abstraction qui unifie la paire d’opposés, c’est le facteur commun, peut-être l’origine de ces deux facteurs plus denses. Le triangle pointe en haut a pour sommet l’unité mentale, l’adulte, le penseur dans sa conscience de veille, celui qui décide. C’est le sujet de l’attention, ce qui dirige la personnalité, ... Cette unité manie la dualité entre dynamique et statique, soit entre le raisonnement et les arguments ou notions. ...
Le cours de pensée n’est pas lié à l’unité active sur l’étoile, ce qui signifie que, bien souvent, le dit penseur assiste au cours de pensée, il ne l’a pas voulu ni construit : ce cours se développe indépendamment de lui, car la substance mentale est active par elle-même et agite les formes qui émergent en son sein.
Pourtant l’effort à fournir par le penseur sera de diriger son attention, d’orienter ce cours et de choisir, c’est-à-dire accepter ou rejeter les idées ou faits qui se présentent à lui.
... Patanjali a étudié en profondeur le mental et ses stances ont beau être concises, elles témoignent d’une grande pénétration d’esprit. La tradition yogique, cabalistique et théosophique associe le chiffre 5 à l’Homme, Humain –Manas, au Penseur. L’étoile à 5 branches représente l’homme, les pieds écartés dans la dualité, les bras étendus – ouverture et la tête dans l’unité au sommet.
Sur le schéma ci-dessus, aux pieds de l’étoile à 5 branches se trouve la dualité : tel concept s’oppose à tel autre, le statique ou le sens s’oppose au dynamique soit le mouvement pensé. À un niveau plus fin, la conscience d’être soi, un individu, s’efface pour laisser place à ce rayonnement, qui passe à travers nous. Jung, Assagioli, Rudhyar parlaient du Soi transpersonnel, ce qui passe à travers la personne - persona signifiant masque. Le rayonnement s’inscrit dans la branche horizontale de l’étoile à 5 branches, l’autre extrémité étant la qualité, soit la qualité émise par soi, soit la qualité captée chez les autres ; il n’est alors plus question des personnes. Au sommet, la tension d’être nourrit l’at-tention ou tension vers le monde : l’intensité du jet d’attention en provient.
On peut repérer plusieurs niveaux ; le plus bas est le sens, la base de toute activité mentale. Le fait de nommer les choses, de leur affecter un nom, et donc de repérer des notions (terme qui nous semble le plus approprié) constitue le socle ; ces notions sont les éléments de base telles des pierres dans la pensée.
Un niveau plus fin et plus fluide est le raisonnement qui part d’une hypothèse de départ pour arriver à une conclusion : déduction, comparaison, etc.
Un niveau déjà plus abstrait concerne les nœuds de signification que l’on peut appeler concepts. Les raisonnements autour de ces nœuds constituent un réseau …
L’unité mentale, le je qui perçoit au présent, le centre de la conscience de veille se situe à un niveau plus fin et plus pénétrant, elle reste séparée des autres, fondant l’identité du sujet, certaine d’elle-même dans le jet qui la traverse. Et pourtant elle est déjà réceptive à des valeurs ou idées impersonnelles.
Ces 4 niveaux correspondent relativement aux 4 niveaux que repère l’étoile à 6 branches du mental concret.
Le mental concret, le penseur dans sa conscience de veille comprend, manie la pensée, la suit et discerne, il œuvre dans la dualité, entre divers concepts, idées, notions : son raisonnement va de l’une à l’autre. À ce niveau, il s’absorbe dans sa réflexion, il prend à lui ce flux de pensée. Penser, suivre le cours de pensée et en changer comme l’on change d’images ou de films, de chaines de TV, c’est se situer à la rencontre des 2 points à la base de l’étoile.
Le je qui observe, simplement présent, l’unité mentale, le décideur, qui assume ses choix et oriente l’action, est proche de la branche horizontale, la conscience s’est déjà élevée, elle s’ouvre au monde, c’est l’éveil, la conscience de veille ; la conscience s’éclaircit, entre dans une certaine clarté, même si la lumière n’est pas encore pleinement perçue, contactée ni émise.
“Je comprends” indique l’auteur qui prend à lui le concept, l’assimile mais le dépasse ; le penseur réalise qu’il comprend, il supervise la perception du sens et la prend à soi ; cette pulsation entre le penseur et le sens, entre l’individu pensant et la compréhension produit la lumière de la compréhension, la lumière que l’on voit briller dans les yeux, traduisant la joie éprouvée à ce moment. Ainsi en lisant un livre, je comprends le texte (je le suis), mais la lumière s’éclaire lorsque je saisis l’idée d’une phrase ou d’un paragraphe.
Derrière ce jet d’attention qui nous rend présent, se trouve une source d’attention qui enregistre aussi la perception, source de conscience à la fois émettrice et réceptrice. L’observateur pouvait observer sa pensée, se voir pensant ; ici à la source, il soutient cette activité, l’alimente et fournit l’énergie. Le penseur se sait alors la source de lumière consciente au centre de son être.
Selon la tradition théosophique, tout niveau de substance se subdivise en 7.
Notions ou nommer les choses constituent la base, niveau 7 du mental ; raisonnement, cette activité fluide établissant un chemin entre hypothèse et conclusion constitue le niveau 6. Le concept, du latin concepi pris avec soi, est la pensée prise à soi, un nœud du réseau de significations ; à ce stade c’est manier la pensée, comprendre, 5ème niveau.
L’unité mentale, le je présent simplement observant, s’ouvrir au monde, se situe au niveau 4, intermédiaire entre les niveaux formels dotés de contenus et les niveaux sans forme, plus abstraits, plus fins, plus lumineux.
La source de conscience qui soutient l’attention rayonne la lumière telle un soleil et l’on retrouve ici l’image de la lumière dans la tête lorsque l’on comprend enfin, mais cette lumière est alors plus vive. C’est le 3ème niveau sans forme, sans opposition, car différents soleils peuvent rayonner sans se gêner.
Mais ce soleil diffuse une lumière incohérente, désordonnée en direction comme en phase. Il existe donc un niveau plus fin, plus intense (le 2ème), de lumière cohérente analogue au rayon laser. ... le premier niveau est celui de l’espace mental : des courants de pensée peuvent se propager, l’être est un relais, un récepteur ; alors au lieu de penser, de rayonner dans l’espace, c’est plutôt l’espace qui pense en nous ; tel un nageur dans l’océan, nous évoluons au sein de cette pensée universellePuisqu’un niveau de la substance vivante se subdivise en 7, on peut repérer une correspondance entre chacun des sous-niveaux. Les niveaux de pensée peuvent être confirmés par la sensation de vitalité et par l’état affectif. Nous l’avons vu, le 4ème niveau marque un équilibre entre les 3 du haut, plus fins et intenses, et les 3 du bas, plus grossiers et lourds. Le je simplement présent, “en pleine conscience” selon le terme à la mode, est dans un état émotionnel, calme, équilibré, et son corps est relaxé en détente. ...
Par cours de pensée, nous entendons ici des contenus - pensées ou images – qui défilent dans la tête. L’inspiration jaillit dans le conscience tel un nouveau courant qui va se préciser et se formuler par la suite. Tous deux viennent de l’extérieur de la conscience, mais l’un a un contenu, l’autre demeure abstrait. L’un a une forme, l’illumination est une lumière, l’inspiration un souffle.
Cours de pensée |
forme en mouvement |
Concept ou théorie |
contenu |
Unité mentale |
décideur, celui qui se sait individu |
Illumination |
rayonne la lumière |
Inspiration |
idée directrice qui suscite une recherche |
Une illustration marine peut aider à clarifier ces points :
Télécharger le document complet